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  • Photo du rédacteurLyse Coupey

Etre une mère parfaite....


« Tu sais, moi je suis le roi ». Telle fut la première parole que Louis[1] m’adressa ; et c’était vrai… Un jour, après plusieurs séances d’accompagnement, dans son école, il détruisit sa construction symbolique du roi avec un « Et voilà, on est tranquille ! ». Suite à quoi il testa avec insistance le cadre de la confidentialité jusqu’à un « Tu le diras pas à maman, hein ? Elle sera triste… »

Élever un enfant ne relève pas de l’évidence, aucune Ecole des Parents ne nous transmet de règles pratiques et chacun fait en fonction de sa propre éducation, de sa propre sensibilité, de ses propres blessures. Selon ce qu’ils viennent expérimenter, certains enfants arrivent à « faire avec » ce que la vie leur propose alors que d’autres se trouvent ralentis dans leur développement psychique.

Comment, en tant que parent, en tant que maman (place que j’expérimente directement dans cette vie J), pouvons-nous occuper la juste place dans cette relation, celle qui est la nôtre, celle qui offrira à notre enfant la possibilité de grandir le plus harmonieusement possible ?

Cette question s’impose à moi au fil des rencontres avec ces enfants à qui il n’est pas laissé un espace suffisant pour exister, ces enfants pour qui « C’est maman qui sait » « C’est maman qui peut faire/dire », ces enfants qui connaissent peu de choses de leurs forces et de leurs fragilités, de leurs goûts et de leurs besoins et qui ne peuvent réfléchir seuls, qui n’ont pas de curiosité, d’envie… surtout pas celle d’apprendre à l’école, en dehors de cette mère qui est TOUTE et qui, le plus souvent, s’en réjouit et en est fière car elle est (enfin ?) reconnue.

Comment être une bonne mère sans être TOUTE… puissante ? Comment être proche sans être en fusion ? Comment faire intervenir la Loi du père quand le père est absent ? Comment être à la bonne place en toute circonstance ?

Que nous soyons homme ou femme, il me semble qu’être parent c’est être présent(e) à la relation et s’y nommer, s’y différencier en disant « je », être parent c’est qualifier, exprimer ses émotions et ses besoins, c’est adopter le toucher affectif (faire des caresses, des massages qui donne la sensations des limites du corps), c’est écouter ce qui est dit et ce qui ne l’est pas, c’est prendre sa place, être soi, dans son corps… être à sa place, en soi (et non hors de soi ;-) )

Une mère parfaite, puisque telle est la question que me pose souvent les mamans en quête de réponses, les mamans pleine de doute, de culpabilité, une mère parfaite est celle qui est en retard… parfois, celle qui n’a pas toutes les réponses et incite à les trouver ailleurs qu’en elle, qu’avec elle, celle qui ne sait pas… de temps en temps, celle qui se trompe et assume puis cherche une autre solution et rectifie le tir, celle qui sait écouter avec patience et aussi arrêter la logorrhée envahissante. Nos enfants ont à expérimenter le manque et l’absence pour grandir alors une mère parfaite peut confier son enfant et sortir, juste pour le plaisir, car une mère parfaite se fait plaisir. Une mère parfaite ne satisfait pas tous les besoins de son enfant ET accompagne cette non-satisfaction par des mots, par le langage[2] ; elle dit « attends », rassurant son enfant sur le fait qu’il est en capacité d’attendre. L’authenticité de sa parole est essentielle. Cette parole ne peut être l’outil de chantage ou de manipulation tel « Sois mignon, fais ceci ou cela ». Une mère parfaite aime inconditionnellement et tient parole. Ainsi, dans cette sécurité affective, elle fait naître estime et confiance et elle permet au désir et à l’envie de naître chez son enfant ; elle lui offre en même temps la possibilité d’être frustré et de développer sa créativité et sa capacité à se projeter… dans un ailleurs meilleur.

Les enfants grandissent, en effet, dans cette confrontation au désir de leur mère, puis de l’autre, dans cette compréhension qu’ils ne peuvent tenir leur mère… et le monde à leur disposition ! Ils renoncent alors à ETRE tout puissant et peuvent rencontrer l’autre.

Ainsi, naturellement, à condition qu’ils y soient implicitement autorisé, nos enfants commencent à sortir de la fusion, à accepter la Loi de la Mère[3], et se tourner vers l’extérieur, vers la dualité : leur conscience passe du sentiment d’unité à celui de la différence et ils commencent à prendre conscience de l’existence d’autres, des règles organisatrices de la famille, du groupe, de la communauté… : ils sont confrontés à ce qu’on appelle la Loi du Père[4] et tout en renonçant peu à peu à AVOIR tout le pouvoir, à être le centre d’intérêt de tous, ils commencent à adapter leur comportement en société. Ils peuvent alors entrer dans l’ordre symbolique sans avoir peur et peuvent apprendre à lire et à écrire sans encombre!

Je constate, après presque vingt ans d’expérience, que c’est de plus en plus tard que les enfants restent « coincés » dans la première étape de leur développement psychique et qu’ils n’accèdent que difficilement à la Loi, au cadre.

Il faut dire que l’offre sociétale complique la possibilité de renoncer à avoir… tout ce que l’on veut. Elle est une tentation permanente à la toute-puissance. Pourtant, lorsque l’enfant, le jeune, et même l’adulte n’est plus soumis à cet ETRE ou ce AVOIR, alors seulement il reprend les pleins pouvoir… sur sa vie ! Car la fusion avec la mère, quand la mère pense, parle et agit pour son enfant, est une radicalisation du lien. En étant l’objet (de jouissance) de l’autre, cet enfant n’est plus sujet mais assujettit au désir de sa mère, il devient… victime ET, comme l’explique parfaitement le Triangle de Karpman, expérimente tout autant le positionnement du bourreau ou du sauveur.

Ainsi, la mère parfaite laisse sa place au père, qui idéalement la prend. Elle laisse la place ou reconnait l’existence de celle-ci, d’un tiers, de la Loi qui fait qu’elle n’est pas toute puissante. Car si la mère donne l’estime (la croyance en sa valeur) pour se tourner vers le monde et sortir de son giron, c’est le père (ou la personne faisant fonction de tiers séparateur) qui donne la confiance (la croyance en ses capacités pour pouvoir passer à l’action). Si le père n’est pas présent physiquement, il est essentiel qu’il soit nommé et reconnu comme tel dans le discours de la mère, ou qu’une instance autre qu’elle soit reconnue. En effet, tout comme les enfants sont très tôt particulièrement sensibles à l’ordre des choses dans le monde matériel, l’organisation de la journée… parce que c’est la base secure sur laquelle ils peuvent s’appuyer pour supporter que maman ne soit pas toujours disponible, il est indispensable que l’ordre règne dans les relations humaines : cela est rassurant, c’est ainsi qu’ils peuvent avancer, grandir.

J’ai appris que dans la langue turc, par exemple, chaque personne de la famille est nommée par son prénom suivi de son « titre », sa fonction ; la lignée est marquée ainsi que l’aspect générationnel : la maman de maman, la maman de papa, le papa de papa, la grande sœur… Bon, cela n’empêchent pas les mamans turcs d’être en fusion ;-) mais c’est intéressant.

Parmi ces enfants qui ont du mal à grandir, certains expérimentent une blessure d’abandon et sont dépendants ; ils ont à être accompagné pour entreprendre, aller au bout, être autonome, rencontrer celui/celle qui leur répondra « Comment vas-tu t’y prendre ? » lorsqu’ils n’« y arrivent pas » et leur fera découvrir qu’ils peuvent faire avec la perte et le vide.

D’autres enfants sont plutôt aux prises avec une blessure de trahison ; ils sont dans le contrôle et craignent les séparations (ou tout changement d’activité) et la dissociation (être deux). Ils ont à être accompagnés pour lâcher prise, accepter l’erreur et leur propre vulnérabilité.

Quelle que soit la blessure qu’ils sont venus expérimenter dans cette vie et les raisons de leurs blocages, tous ces enfants en souffrance dans leur développement psychique, et même parfois physique, ont à être accompagné à prendre du plaisir à sortir de leur zone de confort, du principe de plaisir pour aller vers le principe de réalité et si un des parents ne peut prendre cette place, alors il devra être aidé à l’extérieur de la maison[5].

Pour conclure, j’affirmerai simplement qu’une mère parfaite, un parent parfait est celui qui ose, qui essaye, qui se remet en question (pas trop ;-) ), qui se trompe et peut revenir sur ce qu’il a dit, qui peut s’excuser… Un parent parfait est donc un être humain en chemin :-)

[1] Le prénom de l’enfant a été changé J

[2] Tout cela se fait de manière raisonnable en fonction de l’âge de l’enfant, bien sûr

[3] Qui veut que la maman puisse avoir du désir ailleurs (autres activités, autres relations…)

[4] Qui pose les interdits valables pour tous

[5] C’est le rôle des enseignants spécialisés chargés de l’aide relationnelle, les maîtres G des RASED


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